Pourquoi le prix Prism est suspendu : Louis Calabro parle d'une décision proactive
Le prestigieux prix canadien du vidéoclip est mis sur pause pour 2025, tout comme son fonds associé, le MVP Project.

Sterling Larose acceptant le prix Prism 2023 pour « Damn Right » de Snotty Nose Rez Kids.
Le Prix Prism est en pause.
Ce prix annuel, l’un des principaux moteurs de la promotion des vidéoclips au Canada, récompense le meilleur vidéoclip canadien de l’année et remet une bourse de 20 000 $ à son ou sa lauréat·e. Le projet MVP est également mis sur pause cette année.
Reconnu comme la plus importante récompense en argent pour les vidéoclips en Amérique du Nord, le prix a honoré les œuvres de plusieurs artistes, dont Charlotte Day Wilson, Kaytranada, Snotty Nose Rez Kids et Mustafa, qui a remporté le prix pour la seconde fois lors de la cérémonie de l’an dernier.
Pour son fondateur Louis Calabro, vice-président de la programmation et des prix à l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision, cette pause vise à faire émerger de nouvelles idées et à s’adapter à l’évolution du paysage vidéoclip.
« La décision de faire une pause est une décision proactive, dit-il. Le Prix Prism a été un succès, mais je suis convaincu qu’il ne faut pas attendre que quelque chose s’effondre. Il faut commencer à réévaluer la situation pour la relancer encore plus. »
Calabro a lancé le prix de manière indépendante en 2012, aux côtés de Neil Haverty, à une époque charnière pour les vidéoclips. MuchMusic était en déclin et YouTube devenait la principale plateforme de diffusion. Le financement chutait également : en 2017, Bell Média supprimait la subvention MuchFACT après que le CRTC eut retiré cette obligation de la licence de télévision de MuchMusic. Ce fonds versait 2 millions de dollars par an pour les vidéoclips.
Le Prix Prism a su évoluer en conséquence. D’abord indépendant, il a rapidement été intégré à l’Académie — qui administre aussi les prix Écrans canadiens — reconnaissant ainsi les vidéoclips et leurs créateur·trice·s comme partie intégrante à la fois de l’industrie musicale et de celle du cinéma et de la télévision. Des artistes comme Director X, Karena Evans et Chandler Levack ont conservé un pied dans ce milieu tout en se lançant dans la télé et le cinéma.
Six ans plus tard, l’Académie et le Prix Prism ont lancé le projet de production de vidéoclips (MVP) en collaboration avec RBC (l’un des partenaires clés de la marque Billboard Canada en 2025), agissant comme incubateur et bailleur de fonds pour les vidéos canadiennes. Ce programme a permis d’amasser près de 2 millions de dollars et de produire 137 vidéoclips, avec des subventions allant de 5 000 $ à 15 000 $.
« Aucun changement de financement n’a déclenché cette pause », précise Calabro. Mais pour que le Prix Prism continue de proposer la qualité de production et les visuels qui font sa renommée, il est crucial de trouver de nouveaux partenaires. « C’est en partie pourquoi nous discutons avec divers organismes de financement, afin de garantir notre capacité à évoluer et à respecter les normes élevées que nous avons fixées », explique-t-il.
Bien qu’il précise que les deux interruptions ne soient pas directement liées, une volonté commune les relie : maintenir une qualité irréprochable du travail, tout en répondant aux défis liés aux contraintes budgétaires. « Nous avons estimé que le moment était venu de faire une pause, de réévaluer et de prendre le temps d’explorer la forme que pourrait prendre la prochaine version de chaque initiative », affirme Calabro.
Depuis la création du Prix Prism au milieu des années 2010, le paysage du vidéoclip a radicalement changé. Les visuels n’ont jamais été aussi essentiels, mais de plus en plus d’artistes s’éloignent du format classique. Les réseaux sociaux sont désormais un rouage central dans la diffusion musicale, avec une multiplication des formats courts sur TikTok, des visualiseurs YouTube à faible coût ou encore des canevas visuels de type gif sur Spotify.
« Avec l’évolution du secteur, les clips musicaux sont réalisés différemment grâce aux nouvelles technologies, observe-t-il. Nous étions conscients que le paysage [du clip] était en pleine mutation et nous souhaitions maintenir notre position de leader. Dans ce contexte, nous souhaitons anticiper les prochaines étapes. »
La cérémonie comprenait aussi un prix du public, décerné par les fans. En 2014, deux nouvelles distinctions ont été introduites : le Prix de la Réussite Spéciale, saluant l’excellence artistique et les contributions remarquables à l’art du vidéoclip à l’échelle mondiale, et le Prix Arthur Lipsett, qui récompense des approches innovantes et singulières de cet art.
La première édition du Prix a été remise lors d’un événement intimiste et d’une projection au Soho House. Rapidement, le public s’est élargi jusqu’à remplir la salle de plus de 500 places du TIFF Lightbox. Les premières discussions autour de la suspension du programme ont commencé après la cérémonie de 2024, tenue au Paradise Theatre dans le quartier Bloor West de Toronto. La décision de mettre le projet sur pause est finalement tombée en 2025.
« Nous avons eu une chance incroyable au fil des ans avec le Prix Prism, confie Calabro. Nous avons produit un travail de grande qualité et trouvé des solutions pour faire rayonner notre sélection. Nous le devions aux artistes que nous célébrions, car ils ont créé des œuvres exceptionnelles. »
Il poursuit : « C’est émouvant de repenser à tous les artistes que nous avons soutenus. Je suis toujours aussi enthousiaste à l’idée de revoir les anciennes vidéos, et fier de ce que nous avons accompli. À l’Académie, nous nous sommes toujours demandé : de quoi les artistes ont-ils besoin aujourd’hui ? »
Pendant que l’organisation tente de répondre à cette question essentielle, elle continuera à partager des vidéoclips « au fur et à mesure de leur sortie » sur son site Web. Les artistes émergent·e·s peuvent aussi se référer aux programmes de développement des talents du Prix Prism, que l’équipe continue de soutenir avec la même passion.
Durant cette pause indéfinie, l’intention demeure la même : soutenir les artistes canadiens, qu’ils soient en début de parcours ou établis.
« Nous profitons de ce moment pour réfléchir, consulter l’industrie, parler aux artistes, discuter avec différentes agences de financement et voir où le Prix Prism s’inscrit à l’avenir. »