Power Players 2025 : les leaders de l’industrie derrière l’année record de Live Nation Canada
Alors que l’entreprise s’apprête à inaugurer le nouveau stade Rogers à Toronto et à offrir plus de musique à plus de fans que jamais à travers le pays, Riley O’Connor, Erik Hoffman et Melissa Bubb-Clarke se hissent au sommet du palmarès Power Players 2025 de Billboard Canada, décrochant la première place. Un trio de tête qui incarne l’élan exceptionnel de Live Nation Canada et son impact grandissant sur la scène musicale nationale.

Riley O'Connor, Melissa Bubb-Clarke et Erik Hoffman tournés à Toronto en 2025 par Samuel Engelking.
Au début de 2024, Erik Hoffman, président de la division musique chez Live Nation Canada, a reçu un appel téléphonique qui a eu l’effet d’un coup de massue.
À l’autre bout du fil : l’organisateur de la tournée mondiale de Coldplay. La tournée Music of the Spheres — en voie de devenir la tournée rock la plus lucrative de l’histoire — devait s’arrêter à Toronto. Une victoire assurée pour Live Nation, en pleine négociation pour accueillir le groupe. Mais un obstacle de taille s’est rapidement dressé : aucune salle n’était disponible pour les dates visées.
Le Rogers Centre, domicile des Blue Jays de Toronto, était réservé pour les dernières séries de la saison de baseball. Et en tant que locataires principaux, les Jays avaient priorité sur toute autre activité.
« On n’entendait que des soupirs », se souvient Hoffman. « À la fin de l’appel, le promoteur a lancé à la blague : “Vous ne pourriez pas simplement nous construire un stade ?” »
Un an et demi plus tard, c’est exactement ce que Live Nation a fait.
Le Stade Rogers, une salle extérieure temporaire de 50 000 places érigée sur le site de l’ancien aéroport de Downsview, à North York, ouvrira ses portes fin juin. La programmation est déjà impressionnante : Stray Kids en tête d’affiche pour l’ouverture, quatre concerts de Coldplay (7, 8, 11 et 12 juillet), deux soirs avec BLACKPINK (22 et 23 juillet), et la très attendue réunion d’Oasis, avec deux dates exclusives en Amérique du Nord (24 et 25 août). Tous les spectacles devraient faire salle comble.
Bien que temporaire — le terrain devant être réaménagé par Northcrest Developments dans les cinq prochaines années —, cette salle incarne la vision à grande échelle de Live Nation au Canada. Déjà leader incontesté de l’industrie du spectacle au pays, l’entreprise est sur le point de connaître un été record.
Aux commandes de cette montée en puissance : Erik Hoffman, le président Riley O’Connor et la cheffe des affaires commerciales Melissa Bubb-Clarke. Ce trio de stratèges dirige l’une des phases les plus ambitieuses de l’histoire de Live Nation Canada. Ensemble, ils occupent la première place du palmarès Power Players 2025 de Billboard Canada.
Erik Hoffman photographié à Toronto en 2025 par Samuel Engelking.
Lorsque le Stade Rogers a été annoncé, le scepticisme a rapidement envahi les réseaux sociaux. Beaucoup se demandaient combien d’artistes actuels pourraient réellement remplir un stade entier à Toronto.
Pourtant, c’est bien ce que le nouveau stade est en passe d’accomplir, avec un taux de remplissage prévu à 100 % — doublant presque instantanément le nombre de spectacles dans la ville.
« En fait, c’est plutôt le triple », précise Erik Hoffman, installé avec ses collègues du trio Power Players dans la salle de conférence du siège de Live Nation Canada à Liberty Village. « En termes de stades de taille standard, nous n’avions jamais dépassé huit concerts par été. Cette année, nous en avons 25. »
Ce chiffre inclut aussi un record de concerts au Rogers Centre — stade de baseball de plus de 50 000 places — sans oublier les spectacles à la scène Budweiser, un amphithéâtre de 16 000 places, ainsi que près de 4 000 représentations dans diverses salles à travers le pays, toutes détenues ou exploitées par Live Nation.
En nombre de spectateurs, 2025 s’annonce comme une année sans précédent.
À une exception près : la tournée Eras de Taylor Swift, promue par Messina Touring (même si Ticketmaster, partenaire de Live Nation, a géré la billetterie), Live Nation a laissé sa marque sur presque tous les grands spectacles présentés au Canada au cours des derniers mois.
Sur le plan mondial, l’entreprise a supervisé six des dix tournées les plus lucratives selon le classement Billboard Boxscore, dont Coldplay, dont la tournée Music of the Spheres a franchi le milliard de dollars de recettes en juillet dernier.
En février, Live Nation a annoncé un bénéfice d’exploitation ajusté record de 2,2 milliards de dollars en 2024, en hausse de 14 %, pour un chiffre d’affaires historique de 23,5 milliards, en hausse de 2 %.
Pour saisir l’ampleur de ce moment, il suffit d’écouter Riley O’Connor, président de Live Nation Canada depuis l’acquisition de House of Blues — où il a œuvré dès les années 1990 —, mais dont la passion pour la musique remonte aux années 1970, lorsqu’il débutait comme roadie avant d’entamer une longue carrière de promoteur. Aux derniers Junos, il a reçu le prestigieux prix Walt Grealis, récompensant son impact sur l’industrie musicale.
Mais même avec toute cette expérience, O’Connor avoue ne jamais avoir imaginé une telle expansion.
« Je n’aurais jamais cru que ça prendrait une telle ampleur », confie-t-il.
Au début, l’industrie du spectacle vivant était très cloisonnée, raconte-t-il, chaque promoteur régnant sur son territoire, souvent en solo, gérant tout, du contact avec les artistes à l’organisation complète des concerts.
« À mes débuts, c’était un peu ‘Gunslinger World’ », se remémore O’Connor. « Aujourd’hui, c’est devenu une industrie formidable. »
Riley O'Connor photographié à Toronto en 2025 par Samuel Engelking.
L’histoire d’Erik Hoffman commence un peu plus tard que celle de Riley O’Connor, que ce dernier qualifie volontiers de « légende du milieu ». Pourtant, Hoffman est lui aussi un vétéran de longue date, évoluant dans l’industrie depuis plus de trente ans. Il a débuté comme ingénieur du son et directeur de tournée avant de rejoindre Live Nation via House of Blues, quittant Ottawa pour Vancouver afin de gérer la programmation de la mythique Commodore Ballroom.
Il se souvient d’une époque où la musique live était perçue par beaucoup dans l’industrie comme un simple outil promotionnel. Pour de nombreux artistes établis, la musique sur scène n’était alors qu’un moteur secondaire, éclipsé par les ventes de disques et les passages radio — alors considérés comme les véritables marqueurs de succès. Les musiciens professionnels pouvaient bien gagner leur vie en tournée, mais ce n’était pas encore le cœur du modèle économique.
« On avait vraiment l’impression que les promoteurs de concerts étaient des citoyens de seconde zone », explique Hoffman. « On se situait tout en bas de la hiérarchie en ce qui concerne les interlocuteurs auprès des artistes. »
Parmi les autres figures influentes de Live Nation Canada, Melissa Bubb-Clarke, récemment nommée directrice commerciale, offre une perspective unique sur l’évolution du secteur. L’an dernier, elle figurait déjà parmi les 10 personnalités les plus influentes du Billboard Canada Power Players, mais pour une autre entreprise : Maple Leaf Sports & Entertainment (MLSE). À ce titre, elle supervisait la programmation musicale au Scotiabank Arena et au Coca-Cola Coliseum.
Sa carrière a débuté il y a près de 30 ans, alors qu’elle occupait un poste de réceptionniste. Depuis, elle a traversé divers rôles en marketing et partenariats, notamment chez Live Nation, avant d’y revenir officiellement cette année à un poste de direction.
Évoluant jusqu’ici dans un univers dominé par le sport, Bubb-Clarke souligne combien la musique live a su évoluer pour s’imposer comme une plateforme incontournable.
« Du point de vue des partenariats d’entreprise, le sport représentait une valeur sûre et rentable pour les grandes marques, tandis que la musique était souvent perçue comme plus imprévisible », observe-t-elle. « Aujourd’hui, la musique est devenue une plateforme essentielle, non seulement pour les artistes et leurs fans, mais aussi pour de nombreuses marques et partenaires commerciaux. »
Si le sponsoring dans la musique n’a rien de nouveau, son poids a considérablement augmenté. L’une des clés de ce changement ? La capacité des artistes à remplir régulièrement des stades, attirant des publics prêts à investir des sommes importantes pour vivre leurs concerts. Cette passion des consommateurs, combinée à une offre croissante, a permis à Live Nation de dégager des profits records, au Canada comme à l’international.
Melissa Bubb-Clarke photographiée à Toronto en 2025 par Samuel Engelking.
Plusieurs évolutions majeures ont transformé l’industrie musicale au fil des dernières décennies, propulsant la musique live au rang de pilier incontournable. Avec la diffusion massive de la musique en ligne et l’essor des plateformes de streaming, la valeur des ventes de disques a considérablement chuté. Pour compenser, la musique live est devenue une source de revenus essentielle pour de nombreux artistes. Ceux-ci ont d’ailleurs adapté leurs méthodes, privilégiant désormais des sorties plus fréquentes et plus courtes, tout en allongeant la durée de leurs tournées. Les concerts, quant à eux, ont gagné en ampleur et en spectacle, pour remplir des salles toujours plus grandes.
« Avant, quand on allait au stade, ça sonnait vraiment mal », reconnaît Erik Hoffman. Avec la montée en puissance des productions, les coûts ont explosé, entraînant une hausse significative des prix des billets.
L’industrie s’est aussi professionnalisée. Le Far West des promoteurs invétérés, fumeurs et farouchement territoriaux, a laissé place à une organisation plus structurée. Si certains promoteurs canadiens, férus de punk rock et de bière, restent fidèles à leurs racines, d’autres, comme Arthur Fogel — désigné meilleur dirigeant mondial l’an dernier — ou Michael Rapino, PDG de Live Nation, ont accédé à des postes clés sur la scène internationale. Parallèlement, des professionnels issus d’autres domaines — entreprise, vente, marketing — ont rejoint le secteur, apportant une expertise nouvelle et précieuse.
« Des entrepreneurs ont lancé l’entreprise, mais c’est grâce à de nombreux talents venus d’horizons variés qu’elle a pris toute sa dimension », souligne Hoffman. « Ces profils ont permis son essor et son développement. »
Aujourd’hui, la musique live n’est plus une simple affaire régionale : elle est devenue une industrie mondiale. Le marché des tournées est plus connecté que jamais, permettant d’organiser des spectacles sur plusieurs continents, à l’image des plus grands événements récents, avec Madonna ou The Weeknd au Brésil, ou Adele à Munich.
Le marché nord-américain, lui aussi, accueille un nombre croissant d’artistes internationaux. Live Nation Canada a renforcé ses équipes ces dernières années pour mieux développer des marchés locaux majeurs, notamment pour la musique sud-asiatique et latine. La star punjabi Diljit Dosanjh a ainsi battu des records cette année avec ses concerts au Rogers Centre de Toronto et au BC Place de Vancouver, en collaboration avec Live Nation. Cet été, parmi les billets les plus prisés au Rogers Stadium figurent ceux des groupes pop sud-coréens, témoignant de la diversité et de la richesse de cette nouvelle ère de la musique live.
L’industrie musicale n’est pas la seule à s’être davantage connectée : Live Nation aussi. Déjà l’un des poids lourds du secteur, l’entreprise contrôle une part de marché croissante, ce qui lui a valu des accusations de monopole. On lui reproche notamment d’augmenter les prix des billets par intégration verticale : possession de salles de concert, contrôle de la billetterie via Ticketmaster, et éviction de la concurrence. Aux États-Unis, Live Nation fait l’objet d’une action en justice antitrust très médiatisée du ministère de la Justice.
Au Canada, l’entreprise a réalisé une percée majeure. Toronto est désormais l’une des destinations les plus prisées au monde pour les artistes en tournée. « C’est là que nous observons la plus forte croissance, car c’est devenu un marché mondial incontournable », souligne Hoffman. « C’est un lieu qu’on ne peut plus ignorer. »
Le portefeuille de salles de Live Nation, qu’elle possède ou avec lesquelles elle collabore, s’est considérablement étoffé : du Velvet Underground, un lieu intime, à l’Opera House (950 places), en passant par l’History (2 500 places), la Budweiser Stage et le Rogers Stadium. L’entreprise a récemment annoncé la réouverture du Mod Club, après le rachat de ce qui était alors l’Axis Club.
Live Nation étend également son influence aux marchés secondaires, en ayant repris la programmation de la salle historique KEE to Bala, en Ontario. Elle sera partenaire du projet de reconstruction de plusieurs millions de dollars de l’aréna de Hamilton, anciennement FirstOntario Centre, mené par Oak View Group, et développe une nouvelle version de la populaire salle History à Ottawa, dont l’ouverture est prévue en 2026.
Ces investissements offrent aux artistes davantage d’opportunités de tourner au Canada, sans devoir parcourir de longues distances ni traverser une frontière américaine parfois incertaine. Cela permet aussi aux groupes plus connus d’élargir leurs tournées à différentes villes et d’améliorer la qualité des concerts.
« C’est notre ambition pour plusieurs marchés secondaires canadiens : identifier ce qui manque, ce qui nuit à l’expérience des artistes et des fans, puis combler ces lacunes », explique Hoffman.
Cependant, cette expansion rend plus difficile la concurrence des promoteurs indépendants, qui ont traditionnellement prospéré sur ces marchés plus petits, face au géant aux vastes ressources et à son réseau intégré.
Pour autant, les dirigeants réfutent l’idée selon laquelle Live Nation rachète toutes les salles. « Il y a des centaines de salles de spectacle au Canada. Nous n’en possédons qu’environ 1 % », précise Hoffman. « Que notre aide ou collaboration permette de préserver des salles classiques ou de construire des installations modernes avec des infrastructures dignes de ce nom — de belles toilettes comprises —, cela profite à tous, surtout aux spectateurs et aux artistes. »
À mesure que les concerts génèrent plus de profits, les salles accueillant ces événements deviennent de meilleurs endroits pour vivre un spectacle. Des lieux comme le Rogers Stadium ou la future aréna de Hamilton sont conçus avant tout pour la musique, sans locataire sportif principal. L’attention est portée sur le son, la production, le confort des artistes et des installations.
« Ces lieux sont créés sur mesure », précise O’Connor. « L’objectif est d’offrir aux fans une expérience immersive, entièrement dédiée à eux et à leur artiste. »
Hoffman acquiesce, jetant un regard à Bubb-Clarke, son ancienne collègue de MLSE présente à la table.
« Dans ces palais des sports, on a souvent l’impression d’être l’équipe visiteuse », observe Hoffman. « Avec ces salles, on veut inverser cela : que ce soit l’équipe à domicile. »
Chez MLSE, Bubb-Clarke a développé les sièges premium et événements spéciaux, un modèle bien implanté dans les enceintes sportives, avec loges et clubs privés, qui s’implante désormais aussi dans la musique. À History, par exemple, on trouve plusieurs options VIP à différents niveaux, un phénomène qui se répand dans le secteur.
« Il y a encore de vraies opportunités », assure-t-elle. « Beaucoup de personnes avec un budget confortable, souvent des professionnels de Bay Street, sont aussi de grands fans d’Iron Maiden. Quand ils viennent en salle, ils veulent vivre une expérience haut de gamme. »
Le principal défi pour Live Nation Canada reste les infrastructures, notamment l’accès au stationnement pour 50 000 spectateurs au stade Rogers — la recommandation est d’utiliser les transports en commun. Mais surtout, il faut trouver assez d’espace pour répondre à la demande croissante de concerts.
« Les artistes ont désormais plus d’occasions de se produire, et il y a plus de concerts que jamais », s’enthousiasme O’Connor. « Le nombre de participants n’a jamais été aussi élevé. C’est une croissance impressionnante. »
Cette expansion explique en partie le retour de Bubb-Clarke chez Live Nation. Après une année record, l’entreprise vise encore plus haut.
« Je reviens au mot “ambitieux” », conclut-elle. « Quand j’ai entendu parler du Rogers Stadium et des concerts d’Oasis et Coldplay, je me suis dit : “Je veux revenir dans l’entreprise qui réalise ça.” »