Une étude australienne sur la musique met en lumière le fossé croissant de la visibilité des artistes canadiens sur les plateformes de streaming
Alors que des talents locaux comme Tate McRae, Drake, The Weeknd et Justin Bieber connaissent un succès mondial, les artistes américains dominent toujours les marchés du streaming et des tournées, selon un rapport du groupe de réflexion sur les politiques publiques The Australia Institute.
Les artistes canadiens ont un problème d’algorithme.
C’est ce que révèle un nouveau rapport musical australien, selon lequel les artistes canadiens peinent à trouver leur place dans les algorithmes de découverte des plateformes de streaming.
L’étude, produite pour le groupe de réflexion The Australia Institute par l’économiste de la musique Will Page et le directeur de recherche Morgan Harrington, conclut que l’obstacle est avant tout algorithmique.
Bien que focalisé sur l’industrie musicale australienne, le rapport utilise le Canada comme point de comparaison et soutient que les artistes d’autres pays anglophones — sauf les États-Unis — manquent de mise en avant algorithmique sur les plateformes.
Selon les chercheurs, les algorithmes de recommandation figurent parmi les principales causes du déclin des revenus des artistes australiens, malgré une hausse de leurs investissements promotionnels. Ces algorithmes mettent souvent en avant la musique américaine, considérée comme la plus grande source de contenus anglophones enregistrés.
En Europe, au contraire, Page et Harrington observent que les artistes locaux dominent les palmarès et les écoutes en continu. Ils évoquent la « glocalisation » : les artistes nationaux se positionnent en tête de leurs propres marchés. Au Canada, cependant, très peu d’artistes locaux ont récemment atteint le sommet des palmarès en streaming.
« Les Canadiens subissent l’empiètement de la domination de leur voisin du sud, avec un recul constant de leur présence nationale et une fuite des talents, plusieurs de leurs artistes les plus prometteurs étant désormais signés ou gérés aux États-Unis », indique le rapport.
Cette année, cinq artistes canadiens seulement ont atteint la première place du palmarès des albums canadiens de Billboard : deux projets de The Weeknd, la collaboration PARTYNEXTDOOR x Drake $ome $exy $ongs 4 U, So Close to What de Tate McRae — son premier numéro un — et Swag de Justin Bieber, resté en tête une semaine.
Actuellement, « The Fate of Ophelia » de Taylor Swift, extrait de The Life of a Showgirl, domine le Canadian Hot 100 et mène le palmarès des albums canadiens pour une septième semaine consécutive.
Sur les palmarès Billboard Canada Airplay, où les quotas de contenu canadien jouent un rôle clé, McRae et Bieber ont chacun placé un titre au sommet du classement CHR/Top 40, tandis que Three Days Grace a mené le Mainstream Rock à deux reprises. JJ Wilde, The Beaches et Fionn ont également occupé la première place du Modern Rock. Aujourd’hui, « Daisies » de Bieber est le seul titre canadien numéro un en Airplay, après deux semaines en tête sur AC, avant d’être détrôné par Swift sur CHR/Top 40.
En comparant les 100 artistes les plus écoutés en Australie et au Canada, le marché australien en compte six, tandis que le Canada en présente huit, dont deux dans le top dix mondial : Drake (2e) et The Weeknd (6e). Le pays dépasse ainsi l’Australie en notoriété internationale, avec un important noyau d’artistes de calibre mondial comme Bieber, McRae et Shawn Mendes.
La mise en avant des artistes canadiens sur les plateformes de streaming demeure essentielle à leur visibilité, un sujet brûlant dans l’industrie musicale. Le débat s’est intensifié depuis la mise en œuvre de la Loi sur la diffusion en ligne par le CRTC, une mise à jour majeure de la réglementation du contenu canadien qui a incité plusieurs organisations musicales à réagir, particulièrement sur la question de la découvrabilité.
Pour accroître cette visibilité, une partie notable des audiences a porté sur la décision — aujourd’hui suspendue — d’exiger que les services étrangers générant plus de 25 millions de dollars au Canada versent 5 % de leurs revenus à des fonds indépendants canadiens.
Durant cinq jours d’audiences en septembre, des acteurs de l’industrie ont présenté leurs propositions pour améliorer la découverte des artistes sur les plateformes. Nettwerk Music Group, label indépendant de la Colombie-Britannique, a suggéré d’« investir dans l’embauche de personnel canadien travaillant au sein de l’industrie musicale afin de promouvoir et soutenir les artistes canadiens », tant au pays qu’à l’étranger. Radio-Canada a pour sa part plaidé pour une « approche réglementaire souple », adaptée à la réalité de chaque plateforme.
Le rapport conclut que la plus grande force de l’industrie musicale canadienne demeure sa capacité à exporter ses artistes à l’international.
« Cela pourrait s’expliquer par le fait que le gouvernement canadien soutient davantage ses artistes, leur offrant de meilleures chances de réussir dans l’univers anglophone », indiquent les auteurs, citant des programmes comme le Fonds canadien des créateurs d’étoiles et FACTOR.
Retrouvez le rapport complet ici.
