Three Days Grace : comment une réunion sans précédent a relancé le groupe au sommet des palmarès
Avec un duo de chanteurs principaux exceptionnel, ce groupe ontarien est revenu à ses racines et a décroché la chanson numéro 1 du palmarès Rock grand public de Billboard Canada pour l'année 2025. Ils établissent également des records à travers le monde.

Three Days Grace est entré dans une nouvelle ère — et il se pourrait bien qu’elle soit la plus marquante de toute sa carrière.
Avec « Mayday », le groupe décroche la première place du palmarès de fin d'année Rock grand public de Billboard Canada, un accomplissement de taille pour une formation qui fait de la musique ensemble depuis plus de vingt ans.
« C’est encore complètement surréaliste pour moi de réaliser que nous sommes là depuis aussi longtemps et que nous continuons de sortir des albums qui trouvent un véritable écho auprès du public », confie Adam Gontier lors d’une entrevue Zoom avec Billboard Canada.
Au cours du même échange, son complice de longue date et co-chanteur principal Matt Walst abonde dans le même sens.
« C’est assez incroyable de se dire que plus de vingt ans après la sortie de notre toute première chanson, nous ayons aujourd’hui un titre devenu numéro un du rock au Canada. »
Et ce sommet n’est qu’une réussite parmi bien d’autres pour Three Days Grace en 2025.
Aux États-Unis, le groupe vient de signer son 20e numéro un au classement radio Rock grand public de Billboard avec « Kill Me Fast », se hissant ainsi juste derrière Shinedown, détenteur du record absolu. Trois chansons de leur album Alienation (2025) ont également atteint la première place des palmarès.
Parallèlement, leur classique de 2003, « I Hate Everything About You », a rejoint le club très fermé des milliardaires de Spotify en franchissant le cap du milliard d’écoutes. Réuni avec son chanteur original, Adam Gontier, le groupe affiche aujourd’hui complet dans les plus grandes salles du monde avec une tournée de retrouvailles triomphale.
Rien de tout cela n’aurait pu être anticipé. Cette domination actuelle des palmarès rock est le résultat d’un pari à la fois artistique et humain que peu de groupes ont osé tenter — et encore moins réussi : celui d’évoluer avec deux chanteurs principaux.

L’histoire de Three Days Grace débute dans les années 1990, lorsque Gontier rencontre le batteur Neil Sanderson alors qu’ils sont tous deux en neuvième année, dans la petite ville rurale de Norwood, en Ontario.
« Dès que je l’ai entendu chanter, je me suis dit : je veux être dans un groupe avec ce gars-là », se souvient Sanderson.
Après une première incarnation sous le nom de Groundswell, le groupe se reforme avec le bassiste Brad Walst et adopte le nom de Three Days Grace.
Le petit frère de Brad, Matt, n’en fait pas encore partie, mais il gravite déjà autour du groupe, observant tout de près. Âgé de huit ou neuf ans à l’époque, il grandit au rythme de l’ascension fulgurante de Three Days Grace, nourrissant à son tour le rêve de devenir musicien.
« Ils faisaient des jams au sous-sol, raconte-t-il. Nos voisins, les Partyton, organisaient des fêtes dans leur cour, et l’un des premiers concerts de Three Days Grace s’est tenu sur une charrette à foin. Je les ai vus passer de ce simple wagon à de véritables salles de spectacle. »
Adolescents, les membres du trio emménagent à Toronto dans ce que Sanderson décrit comme « un appartement en sous-sol vraiment délabré », entièrement dédiés à leur projet musical.
Matt a coécrit les chansons « Scared » et « Let You Down » de l’album éponyme Three Days Grace, paru en 2003. Peu après, alors qu’il n’était encore qu’adolescent, il auditionne pour rejoindre officiellement le groupe, jouant de la guitare sans médiator au point de se blesser au doigt. Il n’obtient toutefois pas le poste, devancé par le guitariste solo Barry Stock — un choix qu’il reconnaît aujourd’hui sans détour. « Il n’y a pas photo », lance-t-il en riant. « Barry est un guitariste hors pair. »
Matt poursuit alors son propre parcours en fondant My Darkest Days. Le groupe est rapidement repéré par Chad Kroeger et signé sur son label, 604 Records. Il connaît un certain succès, notamment grâce au titre « Porn Star Dancing », sorti en 2010, qui se hisse jusqu’à la 40e place du Billboard Canadian Hot 100.

Pendant ce temps, la carrière de Three Days Grace prend véritablement son envol. Portées par une intensité émotionnelle brute, des chansons comme « I Hate Everything About You », « Just Like You », « Never Too Late » et « Animal I Have Become », issues de leur deuxième album One-X (2006), dominent les palmarès et permettent au groupe de bâtir une base solide de jeunes fans fidèles.
Signé par une maison de disques dès 2001, juste avant que Napster ne vienne bouleverser l’industrie musicale et amorcer la révolution numérique, le groupe évolue dans un contexte où la radio rock demeure un levier essentiel. Percer sur les ondes est alors une priorité.
Adam Gontier se souvient avoir grandi en écoutant à la radio des groupes phares du rock canadien comme Matthew Good Band, Our Lady Peace, The Tea Party et The Tragically Hip. Pourtant, Three Days Grace fait le choix stratégique de signer avec un label américain afin de donner à sa musique une portée internationale — une décision qui explique en grande partie pourquoi le groupe continue, aujourd’hui encore, de se produire aux quatre coins du monde.
« Nous avons travaillé sans relâche, enchaînant les tournées pendant des années, mais sans le soutien de la radio, qui sait où nous serions aujourd’hui ? », reconnaît Gontier.
Sanderson souligne que le groupe n’a jamais pris ce soutien pour acquis. C’est en grande partie grâce à lui qu’ils ont pu sillonner l’Amérique du Nord devant des foules connaissant chaque parole par cœur. « On appelle encore les programmateurs pour les remercier de diffuser notre musique », ajoute-t-il.
Mais selon Sanderson, la longévité de Three Days Grace ne s’explique pas uniquement par la radio. Elle repose aussi sur l’honnêteté et l’authenticité de leur musique, qui, à travers des riffs cathartiques et des mélodies percutantes, aborde des réalités universelles : l’anxiété, les ruptures, les enjeux de santé mentale et la dépression.
« On entend souvent des gens dire qu’ils pensaient être seuls à ressentir certaines choses jusqu’à ce qu’ils entendent une de nos chansons qui décrit exactement ce qu’ils vivent », raconte-t-il avec fierté. « Parfois, on nous dit même que nos chansons ont sauvé des vies. Pour un artiste, il n’y a pas de plus grande satisfaction. »

En 2013, toutefois, tout bascule. Alors que le groupe est au sommet de sa popularité et en tournée pour Transit of Venus, Gontier se sent épuisé, tant physiquement qu’émotionnellement.
« La charge de travail, combinée à l’état émotionnel dans lequel je me trouvais, m’a forcé à faire une pause », se souvient-il. « Ma vie était devenue chaotique. J’ai dû prendre du recul et me concentrer sur ce qui me semblait alors le plus essentiel. »
Après avoir traversé des difficultés plus ou moins publiques liées à la toxicomanie et à la santé mentale, Gontier prend la décision abrupte de quitter le groupe.
Son départ soudain laisse un vide considérable qu’il faut combler rapidement. Three Days Grace se tourne alors vers un visage familier : Matt Walst. Celui-ci rejoint finalement le groupe pour lequel il avait autrefois auditionné, insufflant une nouvelle énergie et une dynamique différente.
Là où la voix et l’écriture de Gontier avaient façonné le son post-grunge sombre et abrasif des débuts, Matt apporte une approche légèrement plus mélodique, contribuant à l’évolution sonore du groupe au fil de sa seconde phase. Des albums comme Human et Outsider marquent cette période, accompagnés d’une nouvelle série de titres classés numéro un dans les palmarès rock grand public.
Malgré cette transformation majeure, Three Days Grace demeure l’un des groupes de rock les plus dominants des années 2010 jusqu’au début des années 2020.
De son côté, Gontier fonde le groupe Saint Asonia et poursuit sa carrière avec succès. Pendant ce temps, chez les fans, l’espoir d’un retour au sein de Three Days Grace ne disparaît jamais complètement.

Son départ inattendu a laissé un vide immense qu’il a fallu combler sans tarder. Three Days Grace s’est alors tourné vers un visage familier : Matt Walst. Celui-ci a rejoint le groupe pour lequel il avait autrefois auditionné, insufflant une nouvelle énergie et une dynamique renouvelée.
Alors que la voix et l’écriture de Gontier avaient façonné le son post-grunge brut et chargé d’angoisse des débuts, Matt a apporté une approche légèrement plus mélodique, contribuant à faire évoluer l’identité sonore de Three Days Grace au fil de sa seconde période. Des albums comme Human et Outsider marquent cette transition, accompagnée d’une nouvelle série de titres classés numéro un dans les palmarès rock grand public.
Malgré cette refonte majeure, le groupe est demeuré l’un des poids lourds du rock des années 2010 jusqu’au début des années 2020. De son côté, Gontier a fondé Saint Asonia et poursuivi sa carrière avec succès, tandis que chez les fans, l’espoir d’un retour au sein de Three Days Grace ne s’est jamais complètement éteint.
Puis, un jour, Sanderson et Gontier ont décidé qu’il était temps de tourner la page. Ils se sont retrouvés autour d’un café à Nashville, ville natale de Gontier, où les souvenirs ont refait surface et où d’anciennes blessures ont commencé à s’apaiser.
« Les choses changent, les gens changent, et ce qui comptait autrefois finit parfois par perdre de son importance », explique Gontier aujourd’hui.
De cette rencontre est né un plan. En 2023, Gontier est remonté sur scène avec Three Days Grace pour une apparition surprise, qui devait à l’origine être unique. Mais la réaction du public a rapidement dépassé toutes les attentes.
« On a vu le regard des gens dans la salle, se souvient Sanderson. On s’est dit : “OK, il se passe quelque chose.” »
Matt Walst a accepté l’idée d’un retour de Gontier — à une condition toutefois : plutôt que de reprendre son rôle initial de chanteur principal, ils conserveraient les deux voix et poursuivraient l’aventure ensemble, en tant que groupe à cinq membres.
Leur équipe de gérance s’est montrée plus prudente. Elle a accepté de les soutenir à condition qu’ils prouvent qu’ils étaient encore capables de se réunir et de créer de la musique ensemble. Ils sont donc revenus à l’essentiel, comme à leurs débuts : guitares acoustiques en main, assis autour d’un feu de camp, cette fois sur la propriété de Barry Stock, dans le sud de l’Indiana.
« On était tous des gars de la campagne, habitués aux feux de camp et à la guitare », raconte Sanderson en repensant à la spontanéité du moment. « Moins d’une heure après notre arrivée, une chanson prenait déjà forme. »
Cette chanson s’intitulait « The Power ». Portée par les voix d’Adam Gontier et de Matt Walst, qui se relaient souvent ligne par ligne et s’harmonisent sur le refrain, elle incarne pleinement la force de leur nouvelle configuration à deux voix. Peu de temps après suivait « Mayday », devenu leur hymne numéro un du classement Rock grand public de Billboard en 2025.
L’album Alienation a propulsé Three Days Grace vers de nouveaux sommets, notamment grâce à une tournée d’envergure qui les mène au Royaume-Uni, au Canada, aux États-Unis et dans plusieurs pays européens, dont la Turquie, l’Italie, la France, la Bulgarie, l’Allemagne, la Suisse et la République tchèque. « L’an prochain sera sans doute notre plus grande année de tournée — peut-être même la plus importante de toute notre histoire », avance Sanderson.
Cette nouvelle ère s’inscrit aussi dans un regain d’intérêt plus large pour les groupes rock de leur génération. Les palmarès rock de fin d’année de Billboard Canada regorgent de figures emblématiques des années 2000, des géants comme Breaking Benjamin, Linkin Park, Papa Roach et Evanescence à leurs compatriotes canadiens Finger Eleven, Big Wreck, Our Lady Peace et The Trews.
« En 1999, mon groupe préféré, c’était Deftones, et aujourd’hui, ils n’ont jamais été aussi populaires », souligne Matt.
Sanderson, qui codirige le duo de production et le label Judge & Jury avec le producteur Howard Benson, observe le même phénomène. Il collabore avec des groupes comme Alien Ant Farm, Hoobastank et Saliva — tous au sommet de leur popularité dans les années 2000 et toujours actifs sur scène aujourd’hui.
« Le rock and roll se porte très bien, affirme-t-il. Je pense que les gens recherchent quelque chose de plus brut, de plus imparfait, pas un son trop lisse. Nous ne cherchons pas la perfection, et je ne crois pas que les fans la recherchent non plus. Ils veulent entendre l’humanité dans notre musique. »
Aujourd’hui, Three Days Grace joue devant un public multigénérationnel — y compris les enfants de leurs premiers fans. Alors que « I Hate Everything About You » a franchi le cap du milliard d’écoutes sur Spotify, Gontier remarque que le morceau connaît une nouvelle vie sur TikTok. « J’imagine que les ados continuent encore de se séparer », lance-t-il en souriant.
Sur scène, le duo vocal formé par Adam et Matt capte l’attention dès les premières notes. Loin de simplement se répartir les chansons, ils partagent le chant et les harmonies, chacun pouvant à tour de rôle se concentrer sur la guitare. Cette alternance leur permet de soutenir le rythme intense des tournées à venir — comme un véritable best-of livré chaque soir.
« À mes yeux, cette nouvelle incarnation de Three Days Grace est la meilleure de toute notre carrière. », conclut Sanderson. « La boucle est bouclée, et nous sommes plus forts que jamais. »






















