Vague pendjabie : Karan Aujla vise le sommet des palmarès
Le chanteur britanno-colombien vient de battre le record de l’artiste pendjabi le mieux classé de l’histoire du palmarès Billboard des albums canadiens. Et il estime que la musique pendjabie a tout pour devenir le genre le plus populaire au monde.
Karan Aujla a battu le record de l’album pendjabi le mieux classé dans les palmarès de l’histoire au Canada, mais il vise encore plus haut. Il brigue la première place. Peu importe que ce soit lui ou l’un de ses pairs qui l’atteigne.
L’album Making Memories, que l’auteur-compositeur-interprète de Surrey, en Colombie-Britannique, a conçu avec le producteur Ikky, s’est classé au cinquième rang du palmarès Billboard des albums canadiens. Il reflète la musique d’aujourd’hui — un irrésistible mélange de sons traditionnels pendjabis et d’influences occidentales pop, hip-hop et R’n’B. Mais il témoigne également de l’essor de la musique pendjabie sur la scène canadienne et mondiale.
« C’est un grand, grand moment, c’est colossal », a déclaré Aujla à Billboard Canada.
Sous contrat avec l’importante maison de disques Warner Music tant en Inde qu’au Canada, Aujla est la preuve de ce qui peut survenir lorsque collaborent des gens de partout dans le monde afin de promouvoir la musique. Il aurait bien aimé bénéficier de ce soutien il y a quelques années, dit-il, mais il se réjouit d’en profiter aujourd’hui. Ses chansons ont collectivement accumulé près de 60 millions d’écoutes sur Spotify et font fureur sur les réseaux sociaux, engouement qui transcende Aujla. Plus de 300 000 personnes ont publié des Reels sur Instagram au son de la chanson Admiring You, sur laquelle chante Preston Pablo, tandis que Softly est devenu un phénomène dansant sur TikTok, des célébrités comme Vicky Kaushal et Sargun Mehta se déhanchant aux côtés d’auditeurs aux quatre coins du monde.
Aujla et Ikky sont sur le point de faire voyager ces chansons partout dans le monde en tournée, qui débutera à New York à la mi-octobre. Au vu de la ferveur des admirateurs sur les réseaux sociaux, il a hâte de voir la réaction du public en direct. « Ces voix résonnent déjà dans ma tête, dit-il. Imaginez 5 000 personnes chantant à l’unisson Admiring You. J’ai tellement hâte de voir ça. »
Après avoir immigré au Canada lorsqu’il était adolescent et peiné durant des années à se faire embaucher comme auteur-compositeur et parolier, Aujla voit cette ascension comme une consécration. Mais il veut la poursuivre. Et il souhaite que d’autres artistes soient soulevés par la vague.
Making Memories a fait son entrée dans le palmarès Billboard des albums canadiens au 5e rang ; il s’agit de la meilleure entrée d’un album pendjabi de l’histoire du Canada. As-tu toujours souhaité être celui qui ferait cette percée?
J’ai toujours en tête de réaliser quelque chose de grand et d’accomplir quelque chose que personne n’a fait auparavant. Quand on a vu ces chiffres et ce classement, on s’est dit : okay, tout ça en valait finalement la peine. Ce rang, avec seulement huit chansons, c’était un exploit pour nous. J’écris [les chansons] moi-même aussi, alors ça rend les choses encore plus exaltantes. J’ai l’impression qu’il ne nous reste pas beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre bientôt la première position. On le souhaite pour l’année prochaine.
En es-tu particulièrement fier parce que tu écris tes paroles?
J’ai commencé comme écrivain, comme parolier. C’est quelque chose dont je suis vraiment fier, et je suis pas mal sûr que les gens qui écoutent ma musique le sont également. Chaque fois qu’ils écoutent ce que je fais, ils se disent d’abord : okay, les paroles sont vraiment bonnes. Puis ils s’attardent à mon chant.
Quant aux personnes qui ne parlent pas la langue, as-tu l’impression que quelque chose dans ta musique peut aussi résonner chez elles?
Totalement. Lorsqu’on écrivait l’album, à un moment donné, on suranalysait les choses. La chanson Softly est la sixième de l’album — sur le plan des paroles et de la mélodie, c’est une mélodie purement pendjabie qu’on aurait pu entendre dans les années 90. Elle raconte une histoire du point de vue d’une fille. Les mots que j’utilise, on ne les entend pas dans la rue. Ce sont des mots que j’entendais de la bouche de mes grands-parents. J’ai donc essayé de mettre tout ça sur un rythme funk groovy vraiment joyeux. Ça a vraiment formé un tout qui sonnait vraiment bien. C’est un bon exemple de ce qu’on essaie de faire avec les mélodies et les paroles.
Lorsque tu écrivais pour d’autres artistes, est-ce qu’une chanson t’a fait prendre conscience que tu voulais créer ta propre musique?
Oui, c’était une de mes premières chansons. Elle s’appelait Gangster Scene. C’était pour ce gars [Gursewak Dhillon] de [Vancouver]. Il n’a finalement pas vraiment fait d’autres chansons par la suite. Il faisait pas mal partie de mon clan. Je l’ai convaincu de le faire, genre : « yo, faisons une toune ». J’utilise beaucoup de mots anglais dans cette chanson. Elle a explosé en 2018, elle a été vue plus de 16 millions de fois [maintenant 21 millions] et on l’a donnée à une autre chaîne YouTube. C’est à ce moment-là que ça m’a frappé — yo, j’aurais aimé ça la chanter moi-même, la mettre sur ma chaîne, et ce serait moi qui gagnerais de l’argent. Mais je n’y pouvais rien parce que j’avais besoin d’argent pour enregistrer mes propres chansons. J’ai donc dû continuer jusqu’à ce que j’atteigne le niveau qui me permettait de le faire moi-même.
Tu es dans le giron de Warner India et Warner Canada et travaillez avec Ikky, le directeur créatif de 91 North Records. Tu as déjà dit que, aussi importante que soit la musique pendjabie, l’industrie ne t’avait pas soutenu comme elle aurait dû. Penses-tu que ça a changé?
Quand j’étais jeune, je n’avais personne. Je ne savais pas ce que je faisais et j’ai gaspillé au moins deux ans à essayer de le comprendre. J’aurais pu être là où j’en suis maintenant deux ans plus tôt. Je ne savais pas comment fonctionnaient les écoutes en ligne. Je ne savais pas comment fonctionnaient les droits d’auteur. Aujourd’hui, je suis reconnaissant d’être soutenu par toutes ces personnes brillantes.
Vois-tu tout ça comme un moment inédit? Se passe-t-il quelque chose?
Je suis un Pendjabi. Je viens d’un village de 200 maisons entouré de champs et de fermes à perte de vue. J’y ai vécu 16 ans avant de déménager au Canada sans rien. Et aujourd’hui, on travaille tous ensemble pour faire briller la langue pendjabie d’une manière qui n’a jamais été faite auparavant. La musique pendjabie connaît son heure de gloire, et tout le monde en sera témoin.
Est-ce un moment propre aux artistes canado-pendjabis? Est-ce que quelque chose de particulier se produit ici?
Oui, j’ai l’impression que le Canada est la deuxième plaque tournante pour les artistes pendjabis. Il se passe tellement de choses ici. Je ne sais pas, le Canada m’a tout donné. Si je n’étais jamais venu au Canada, je ne sais pas si je serais ici. Ce pays m’a beaucoup appris. Mon pays d’origine m’a beaucoup appris d’une autre manière. Mais j’ai appris à communiquer et à mettre en valeur mon talent, à me connecter aux gens.
Tu as comparé la musique pendjabie à la musique latine, au sens qu’elle pourrait voyager partout dans le monde. Selon toi, que faudra-t-il pour que ça se produise?
C’est juste la bonne phrase, la bonne accroche. Comme Despacito — on l’adore même si on ne sait pas ce qu’elle veut dire. Si on compare la musique pendjabie à la musique latine, je ne peux pas dire qu’elle est rendue au même stade. Mais elle se dirige là. J’ai l’impression que je pourrais entendre des gens fredonner mes chansons au Mexique, ou quelque part dans les Caraïbes ou en Jamaïque. La musique pendjabie s’accorde vraiment bien avec les rythmes espagnols, les rythmes reggae, avec n’importe quoi. Je vois que c’est pour bientôt. On va veiller à ce que ça arrive. Ce n’est que le début.