Le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, sollicite une réunion « urgente » avec la ministre canadienne de l’Industrie, Mélanie Joly, alors qu’un ordre de fermeture plane sur l’application
Dans une lettre obtenue par Billboard Canada, Chew écrit que sans intervention du gouvernement, « TikTok sera contraint de licencier l’ensemble de ses employé·es au Canada ».

Le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, lors d'une réunion à la Commission européenne.
Le PDG mondial de TikTok demande une réunion urgente avec le gouvernement canadien, alors que la fermeture de l’application se profile.
À la suite d’une ordonnance émise en novembre dernier pour des raisons de sécurité nationale, l’application de médias sociaux TikTok se prépare à cesser ses activités au Canada. Bien que la plateforme ait promis de contester la décision, le temps presse. La semaine dernière, TikTok Canada a suspendu toutes ses commandites artistiques à travers le pays.
« Nous cherchons toujours à nous asseoir à la table des négociations », a déclaré Steve de Eyre, directeur des affaires gouvernementales de TikTok pour le Canada, lors d’une entrevue avec Bloomberg. « Le temps presse », a-t-il ajouté, tout en précisant qu’aucun échéancier n’a encore été communiqué.
Le 2 juillet, le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, a adressé une lettre à la ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, Mélanie Joly, pour lui demander une rencontre urgente en personne, à tenir dans les deux semaines.
Dans cette lettre, obtenue par Billboard Canada, Chew écrit : « Le processus de liquidation approche rapidement d’un point critique où, à moins que vous n’interveniez, TikTok sera obligé de licencier tous ses employé·es au Canada. »
L’entreprise cesserait également tout investissement et tout soutien aux créateurs et créatrices de contenu canadiens. L’application resterait toutefois accessible sur les plateformes de téléchargement après la fermeture proposée.
Chew y souligne que, sans intervention gouvernementale, TikTok — propriété de la société chinoise ByteDance — sera contrainte de mettre à pied l’ensemble de son personnel canadien. L’entreprise affirme avoir versé 340 millions de dollars en impôts au pays entre 2019 et 2024, compter environ 350 employé·es dans ses bureaux de Toronto et de Vancouver, et toucher 14 millions d’utilisateur·rices canadien·nes. Selon de Eyre, plusieurs employé·es ont déjà quitté l’entreprise, et TikTok n’a légalement pas le droit de les réembaucher.
Dans sa lettre, Chew critique le silence du gouvernement canadien, surtout compte tenu du fait que l’ordonnance de fermeture a été émise avant l’arrivée de Mark Carney à la tête du gouvernement, alors que Justin Trudeau était encore premier ministre.
« Il n’y a aucun avantage à maintenir ce décret gouvernemental obsolète et contreproductif, qui a été émis sous un gouvernement différent, à une époque différente, et qui ne reflète pas la réalité d’aujourd’hui », écrit-il.
Il soutient que ce décret pénalise surtout les travailleur·euses et les créateur·rices de contenu canadien·nes, sans répondre aux préoccupations de sécurité invoquées. Aucune preuve concrète n’aurait été fournie pour démontrer que TikTok représente une menace pour la sécurité nationale du Canada, affirme-t-il, qualifiant les justifications de « reportages sensationnalistes » et « d’allégations vagues » qui ne seraient pas réglées par la fermeture des bureaux locaux.
Chew indique que l’entreprise a tenté à plusieurs reprises d’amorcer un dialogue dans le cadre du processus d’examen de sécurité nationale, sans succès. Il propose des mesures concrètes, comme le renforcement des protocoles de sécurité des données et une plus grande transparence, incluant des mécanismes de supervision pour répondre aux enjeux comme la sécurité en ligne, les élections et l’ingérence étrangère.
Malgré l’échéance du 16 juillet qu’il avait fixée, Chew n’a toujours pas obtenu de rendez-vous avec la ministre Joly.
Les déboires de TikTok au Canada reflètent un climat mondial tendu autour de la propriété chinoise de l’application et des inquiétudes entourant la sécurité des données. Au Royaume-Uni, TikTok a mandaté une firme locale pour auditer ses pratiques et répondre aux attentes des régulateurs. Aux États-Unis, après un ultimatum de vente ou de fermeture retardé, l’ancien président Donald Trump a récemment annoncé avoir trouvé un acheteur pour les activités américaines de la plateforme.
De Eyre souligne l’ironie de la décision canadienne : si TikTok ferme ses portes, « le Canada perdra la capacité d’avoir une entité TikTok relevant de sa juridiction légale, avec des employé·es responsables devant le Parlement, les régulateurs et les forces de l’ordre. »
Reportage supplémentaire de Richard Trapunski.