Un an après la fermeture du Diving Bell Social Club, ses fondateurs annoncent leur projet ambitieux pour un tout nouvel espace à Montréal
Le Diving Bell Social Club, véritable pilier de la scène musicale montréalaise pendant cinq ans, avait dû fermer ses portes, en grande partie à cause de plaintes liées au bruit. Aujourd'hui, ses fondateurs reviennent avec une nouvelle initiative, affirmant cette fois qu'ils sont là pour rester.
Montréal s’apprête à accueillir une nouvelle salle de concert, même si les détails restent à finaliser.
Pour l’instant, le projet porte le nom provisoire TBD. À l’origine de cette initiative, Evan Johnston et Austin Wrinch, deux anciens fondateurs du Diving Bell Social Club, une salle de spectacle du Plateau-Mont-Royal aujourd’hui fermée. Cette fois, ils s’associent à Chantale "Bea" Streeting. Ensemble, le trio travaille depuis un an sur la création d’un espace mêlant bar et salle de spectacle.
Leur ambition ? Concevoir un lieu durable. « Notre objectif est de faire de cet espace un endroit permanent », affirme Wrinch.
Le Diving Bell avait ouvert ses portes en 2018, offrant une programmation variée incluant concerts, soirées d’humour et autres événements culturels. Mais en 2023, l’établissement a dû fermer, principalement à cause de plaintes pour bruit et de la menace d’amendes. Située sur la rue Saint-Laurent, à proximité de résidences, la salle faisait régulièrement l’objet de visites policières pour nuisances sonores. Même si aucune sanction n’a été infligée, le risque devenait trop grand.
De nombreux lieux de spectacles montréalais ont connu le même sort ces dernières années. La fermeture récente du théâtre patrimonial La Tulipe, par exemple, a suscité des manifestations et conduit à un ajustement rapide des règlements municipaux dans le Plateau-Mont-Royal.
Cependant, pour Johnston et Wrinch, la fermeture du Diving Bell n’a marqué que la fin d’un chapitre. Lors d’une conférence sur les technologies, Johnston a rencontré Streeting, et leur passion commune pour la musique a rapidement scellé une collaboration. DJ et employée d’une association à but non lucratif dans le secteur technologique, Streeting était enthousiaste à l’idée de s’impliquer.
« Nous avons vu une réelle opportunité de lancer un nouveau projet, surtout avec la fermeture de tant de lieux culturels », explique-t-elle.
Le trio est en bonne voie pour concrétiser ce projet, ayant presque sécurisé un espace dans le quartier Petite-Patrie–Rosemont. Moins central que le Plateau, mais tout de même en plein cœur de Montréal, cet emplacement devrait accueillir une nouvelle salle de concert d’ici l’été 2025. En dévoilant ce projet pour la première fois, ils ont partagé leur vision avec Billboard Canada.
Concevoir le lieu rêvé
Le projet est ambitieux et nécessitera une transformation majeure. Pour l’instant, le bâtiment qui accueillera cette nouvelle salle est un garage en activité. « Des voitures y sont stationnées en ce moment », plaisante Johnston.
Mais l’équipe a fait un choix clair : plutôt que de reprendre un bar existant, elle préfère transformer un espace brut.
« Avec la situation actuelle à Montréal, où tant d’endroits ferment, je trouve essentiel de ne pas simplement s’approprier un lieu déjà établi », explique Wrinch.
Le trio souhaite enrichir l’écosystème culturel en créant un espace unique. « Tout le monde bénéficie de la diversité et de la multiplication des lieux », ajoute-t-il.
Ce choix leur permet aussi de répondre à toutes leurs priorités dès le départ : accessibilité, acoustique irréprochable, une salle verte fonctionnelle pour les artistes, et un espace généreux pour le personnel. « Souvent, dans ces lieux, le bien-être du personnel est une réflexion de dernière minute. Nous voulons en faire une priorité, car ce sont eux qui assurent le bon fonctionnement de l’espace », souligne Streeting.
L’objectif de Johnston est de faire de TBD un troisième lieu, ce concept désignant un cadre social qui n’est ni la maison, ni le travail. « Aujourd’hui, il manque un véritable troisième lieu où les gens se sentent bien », note-t-il. Le Diving Bell avait cette ambition, mais son emplacement au troisième étage le rendait inaccessible aux personnes à mobilité réduite et moins convivial pour en faire un espace incontournable. « Nous avions de fantastiques communautés d’habitués, mais elles ne se croisaient pas vraiment », confie-t-il.
Le nouveau projet sera pensé différemment : il comportera un bar et une salle de spectacle distincts, permettant ainsi aux visiteurs de venir simplement prendre un verre, sans obligation d’assister à un concert.
Autre innovation : l’équipe prévoit d’enregistrer des performances live pour offrir aux artistes des contenus qu’ils pourront utiliser après leurs spectacles. Leur vision va au-delà des murs de la salle : « Nous voulons créer quelque chose qui redonne à la communauté et dépasse les limites physiques de l’espace », conclut Wrinch.
Menaces sur la vie nocturne de Montréal
Pour le trio derrière le projet TBD, la priorité est claire : créer un lieu durable.
« Nous voulons offrir un espace qui puisse réellement remplir sa mission sur le long terme, pour le bien de la communauté », affirme Wrinch. Afin d’y parvenir, ils ont commencé à chercher des investisseurs et des partenaires partageant leur vision et leur compréhension des défis auxquels font face les communautés artistiques de Montréal.
Lorsqu’on demande à Johnston quel est le facteur clé pour assurer cette pérennité, sa réponse est sans équivoque : l’infrastructure. Trouver un emplacement sans voisinage résidentiel était essentiel, et un garage, totalement isolé des habitations, s’est avéré être une solution idéale.
L’idée s’est confirmée après des visites d’espaces reconvertis à Brooklyn, explique Johnston. Ces exemples l’ont convaincu que transformer un garage était la meilleure approche, même si cela implique de collaborer avec des architectes, des ingénieurs et de naviguer dans le labyrinthe administratif pour obtenir les permis nécessaires à Montréal.
Cependant, le zonage urbain de la ville rend la tâche complexe. Trouver des bars existants qui n’ont pas de voisins résidentiels et qui ne risquent pas de recevoir des plaintes pour nuisances sonores est presque impossible. « C’est un véritable Catch-22 », résume Wrinch. Les lieux les plus adaptés pour enrichir la vie nocturne montréalaise sont souvent ceux les plus menacés par des restrictions.
Cette situation met en lumière des tensions sociales plus larges, notamment dans un contexte de crise du logement. Wrinch admet que la position des entrepreneurs culturels face à cette problématique peut sembler paradoxale. « C’est un argument étrange de dire qu’on devrait retirer des droits aux logements pour les donner à des petites entreprises », reconnaît-il. « On doit aussi créer davantage d’endroits où les gens peuvent vivre. »
En fin de compte, le rêve de Wrinch est simple : que les plaintes et les appels à la police ne soient plus un obstacle à la vie culturelle de Montréal.
Espoir de changement
Depuis la fermeture du Diving Bell, Montréal a amorcé des changements pour mieux gérer les nuisances sonores nocturnes. La nouvelle politique de la ville en matière de vie nocturne propose de lever certaines restrictions liées au bruit (bien que les détails et le calendrier restent flous) et alloue 2,5 millions de dollars pour insonoriser les lieux. Elle prévoit également un financement pour les centres de vie nocturne et de nouvelles règles permettant à certains bars de rester ouverts après 3 heures du matin.
Johnston rappelle qu’après la fermeture du Diving Bell, une question restait sans réponse : « Comment se fait-il qu’un voisin puisse se plaindre du bruit alors qu’un bar ou une salle de spectacle fonctionne avec une licence préexistante ? » Il se réjouit de voir cette discussion reprendre au cours de l’année passée.
« Je ne pense pas que des décisions politiques concrètes aient encore été prises », ajoute-t-il. Selon lui, l'accent mis sur le soutien aux centres de vie nocturne et l'extension des horaires de fermeture pourrait détourner l'attention de la véritable question : les plaintes pour nuisance sonore. Cependant, il garde espoir que l’attitude collective évolue.
« Nous avons participé à des manifestations devant La Tulipe, et voir la réaction de la communauté face à un lieu qui a été fermé de manière absurde, ça fait du bien », poursuit-il.
« On sait que la communauté est là pour ces endroits », ajoute-t-il. « Nous espérons qu’il y aura encore plus de changements à venir. »
L’équipe du Diving Bell comprend la difficulté de lancer un lieu non seulement vivant, mais aussi pérenne. « Il y a bien plus de raisons pour lesquelles certaines choses ne se réalisent pas que pour que de nouvelles choses voient le jour », explique Wrinch en parlant du paysage nocturne montréalais.
Mais, grâce à leur expérience et leur expertise, l’équipe de TBD est bien décidée à prouver qu’il est possible de briser la tendance.