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Quand la musique québécoise s’exporte à l’international

Grâce à leur singularité, les talents québécois attirent différents publics au-delà des frontières de la province. Comment déchiffrer ce succès? Comment se démarquent-ils?

​Marie Davidson lors de la 18e édition du festival M pour Montréal

Marie Davidson lors de la 18e édition du festival M pour Montréal

Charles-Antoine Marcotte

La scène québécoise, le Français Azzedine Fall la connaît plutôt bien, puisqu’il a commencé à en parler alors qu’il était jeune journaliste aux Inrocks, le magazine culturel de référence en France, dans les années 2010. «TOPS, Grimes, Kaytranada, etc. Montréal avait une place importante dans la musique indépendante à l’échelle internationale», explique-t-il à Billboard Canada.

Rapidement, son intérêt pour les talents locaux l'amène à traverser l'Atlantique pour couvrir le Festival international de Jazz de Montréal, puis, de fil en aiguille, M pour Montréal. «J’ai pu voir Mac DeMarco sur scène et c’est à ce moment que j’ai compris qu’il se passait quelque chose d'important ici.»


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Alors qu'il revient chaque année à Montréal depuis plus d'une douzaine d'années dans le cadre de son travail, Azzedine Fall croit savoir ce qui séduit le public français chez les musiciens québécois. «Je me rappelle avoir vu Hubert Lenoir sur scène à M pour Montréal: il chantait en français avec une attitude très UK, très indie et ça existait peu à l’époque en France.» Quant aux artistes québécois qui chantent en anglais, là encore, il existe une longueur d’avance sur les Français. «TOPS, Mac DeMarco, Grimes…on n'a pas d'équivalent en France sur ces savoir-faire-là. Ici, la culture anglophone est différente de celle qu’on a en France et c’est beaucoup plus crédible», poursuit-il.

Mathieu Aubre, programmateur du M pour Montréal, confirme de son côté que le festival n’est pas étranger au succès des Mac DeMarco et Patrick Watson de ce monde. «Ce n’est pas grâce à nous qu’ils ont eu leur carrière, mais c’est sûr que leurs vitrines ont aidé», souligne le programmateur. De fait, il rappelle que le festival a été créé pour pallier un certain manque dans une industrie dominée par les anglophones. «Il y avait la Semaine de la musique canadienne (Canadian Music Week) à Toronto, mais pour l’industrie francophone du reste du Canada qui ne s’y reconnaissait pas, il y avait vraiment quelque chose à combler.»

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La mission première de M pour Montréal est d’offrir une visibilité canadienne et internationale à la musique québécoise. «On veut que ce soit un lieu de rencontre», dit Mathieu Aubre. Cette année, il a ainsi sélectionné une trentaine d’artistes et de groupes, parmi lesquels Marie Davidson, La Sécurité, Goodbye Karelle, Hippie Hourrah, Robert Robert, Totalement Sublime ou encore Kanen, qui se sont produits pendant quatre jours, du 15 au 18 novembre, devant un public de professionnels venus du monde entier.

La popularité du festival ne se dément pas. Au contraire. Lors du lancement de sa 18e édition au Ausgang Plaza, M pour Montréal fait salle comble. On y croise de vieux amis du milieu tout comme on y fait la connaissance de nouveaux venus dans des échanges qui se font tant en français qu’en anglais entre les vitrines de Teon Gibbs et Parazar. Québécois, Néerlandais, Américains, Britanniques… En tout, quelque 350 professionnels locaux et internationaux sont réunis afin de réseauter et de célébrer la musique d’ici.

Justement, Azzedine Fall, aujourd’hui responsable de la stratégie éditoriale de la plateforme Deezer, est de ceux-là. Pour la deuxième année, il est à la tête de la délégation française. «Les Français qui sont à M pour Montréal cette année sont surpris par la proximité qui peut se créer ici. Tout se fait plus naturellement et on parle beaucoup plus des artistes», confie-t-il autour d’un cocktail et d’un burger avant de repartir voir d’autres concerts. Selon lui, c’est pour cette raison - la convivialité et l’accessibilité - que les professionnels et les amateurs de musique veulent et continuent de venir au festival et à Montréal en général.

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Le responsable de la délégation française estime en outre que l’industrie québécoise à un rapport très organique à la musique. «J’ai l’impression que les gens qui travaillent dans la musique ont une connaissance instrumentale, ce qui n'existe pas à Paris. Là-bas, dans l’industrie, tout le monde vient d’une école de commerce et c’est très sectorisé.»

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D’après la Société de développement des entreprises culturelles québécoises (SODEC), l’un des principaux partenaires financiers du festival, M pour Montréal est d’abord et surtout un important marché. «C’est une occasion extraordinaire de vérifier l’intérêt des professionnels étrangers sur des propositions artistiques très particulières dont on ne connaît pas encore le potentiel à l’international», indique Élaine Dumont, Directrice générale Affaires internationales, exportation, mise en marché du cinéma de la SODEC.

Selon elle, des événements comme M pour Montréal sont une formidable façon de sonder l’intérêt pour les musiciens québécois. «Ils sont à la maison avec leur public, donc ils peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes et c’est précieux», pense Élaine Dumont.

De la même façon, la SODEC offre un soutien à la présence collective, c’est-à-dire la présence de nombreux québécois sur les marchés de festivals partout dans le monde. «Nous collaborons avec M pour Montréal, Mundial Montréal, le FME, POP Montréal, par exemple, afin qu’ils envoient des professionnels à l’international», ajoute-t-elle. Ainsi, M pour Montréal participe, entre autres, à SXSW au Texas, au Reeperbahn Festival en Allemagne, The New Colossus à New York et The Great Escape Festival en Angleterre.

«Le festival a un bon réseau en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans le reste du Canada», fait remarquer Mathieu Aubre. Et parce que l’on n’approche pas le marché français comme celui de l’Afrique francophone, par exemple, la SODEC, qui dispose d’un budget annuel de plus de 4 millions de dollars pour l’exportation de la musique québécoise, propose également des accompagnements spécifiques aux territoires. «On distribue différentes aides qui permettent de prendre des risques, de soutenir la carrière des artistes et de développer les publics hors Québec et à l’international», mentionne Élaine Dumont.

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Mathieu Aubre se réjouit par ailleurs de voir plusieurs jeunes en début de carrière tant au sein de la délégation française chapeautée par Azzedine Fall dans l’ensemble des les participants à M pour Montréal. «On essaie d'avoir des nouveaux de l’industrie, car oui, bien sûr, on veut développer nos artistes, mais on veut aussi laisser une place aux professionnels émergents», assure-t-il. Plusieurs néo-professionnels en musique ont donc rejoint le festival pour la première fois cette année et ont pris part à leurs premières activités de réseautage aux côtés de gros noms de l’industrie, comme le programmateur de SXSW, qui revient chaque année, mais aussi les programmatrices de Coachella et Glastonbury, qui «étaient là pour spotter des artistes», s'enthousiasme-t-il.

Celui-ci a aussi accueilli Nora Felder, la superviseure musicale qui a développé la bande sonore de la série à succès de Netflix Stranger Things. Chaque année, M pour Montréal reçoit en effet une vingtaine de superviseurs musicaux à l'affût. «Quand une chanson de Thaïs passe dans Emily in Paris ça devient intéressant en termes de visibilité et en termes de rentabilité pour nous», affirme Mathieu Aubre. «Il y a une concentration de superviseurs musicaux au festival et c’est quelque chose sur lequel on travaille beaucoup à la SODEC pour développer les opportunités entre les éditeurs québécois et les films, séries, pubs et jeux vidéo à l’étranger», renchérit Élaine Dumont.

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«On veut vraiment que ces gros noms-là connaissent les professionnels d’ici pour créer des ponts d’échange, car si l’industrie québécoise rayonne, les artistes québécois vont finir par rayonner aussi!» Mathieu Aubre en est persuadé. Il insiste: «le but de M pour Montréal, c’est d’abord de produire des conditions favorables à la rencontre.» Plus encore, le programmateur veut former les conditions les plus mémorables pour se démarquer des autres festivals axés sur l’industrie et que les participants reviennent année après année. «C’est pour ça qu’on organise des cocktails et des vitrines au 2e étage du Café Cléopâtre [un bar de danseuses célèbre du Quartier des Spectacles, NDLR]!»

Après une fin de semaine si riche en aventures et en découvertes humaines et musicales, nul doute que les festivaliers de cette édition de M pour Montréal pensent déjà à celle de l’année prochaine.

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