Comment Toronto s'est transformée en ville de Taylor Swift avant les 6 nuits de la tournée « Eras »

Quand Charles Khabouth, magnat du divertissement et de l'hôtellerie basé à Toronto, a appris que Taylor Swift amènerait sa tournée record Eras Tour dans sa ville, il a su immédiatement quoi faire.

« J’ai débouché une bouteille de Dom Pérignon pour fêter ça », plaisante Khabouth, fondateur et PDG d’INK Entertainment, qui gère des hôtels, des bars, des restaurants et produit des événements en direct à Toronto. « Je suis dans ce secteur depuis environ 43 ans et je n’ai jamais vu un tel engouement. Nous organisons entre 200 et 300 concerts par an. Nous avons accueilli tout le monde, des Stones à Madonna en passant par Prince, mais cet événement a reçu un soutien sans précédent. »

Toronto se prépare à accueillir l’un des plus grands événements, tant sur le plan culturel qu’économique, des deux dernières années. Swift et sa légion de fans y seront pour six soirées réparties sur deux week-ends (du 14 au 16 novembre et du 21 au 23 novembre). C’est l’avant-dernière étape d’une tournée de deux ans qui a traversé cinq continents, transformant la dynamique économique de plusieurs villes au passage. Toronto, cosmopolite et sophistiquée, relève le défi avec panache malgré la concurrence de métropoles comme New York, Los Angeles ou Chicago.

Le 4 novembre, la ville de Toronto et Rogers Communications ont rebaptisé temporairement Blue Jay Way, située devant le Rogers Centre, en Taylor Swift Way. L’initiative comprend 22 plaques de rue commémoratives qui seront mises aux enchères pour soutenir la Daily Bread Food Bank. Rogers s’engage également à égaler les dons faits, jusqu’à concurrence de 113 000 $, en hommage au numéro préféré de Swift, le 13.

Et ce n’était que le début des festivités. Depuis, la ville a lancé une initiative poétique sous la supervision de Lillian Allen, poète lauréate de Toronto. Parmi les autres annonces : l’événement Toronto's Version: Taylgate '24, qui devrait attirer environ 60 000 personnes, une performance spéciale par le groupe Choir! Choir! Choir! intitulée Eras! Eras! Eras!, et une chasse au trésor dans 13 lieux inspirés des chansons de Swift disséminés dans toute la ville. Les visiteurs pourront profiter de visites guidées sur le thème d’Eras, de soirées dansantes, de soirées drag, de quiz et de boutiques éphémères, sans oublier les cadeaux offerts par de nombreuses entreprises locales. Destination Toronto estime que la mini-résidence de Swift aura un impact économique de 282 millions de dollars, dont 152 millions en dépenses directes, avec 93 % provenant des touristes affluant dans la ville — une aubaine pour les commerces locaux.

« Toute la ville s’est laissée emporter par l’effervescence », explique Kathy Motton, directrice principale des communications de Destination Toronto. « Des fêtes au Palais des congrès du Toronto métropolitain aux chambres d’hôtel à thème Taylor et aux menus spéciaux des restaurants, tout le monde participe. Les événements de cette ampleur attirent des dépenses importantes, et l’impact se fait sentir longtemps après le départ des visiteurs. Les hôtels, les restaurants et les entreprises liées au tourisme en bénéficient directement, mais ces dépenses profitent aussi aux entreprises de manière indirecte. »

Beaucoup d’établissements ont d’ailleurs réagi en adaptant leurs installations pour accueillir les 500 000 touristes attendus.

« L’ambiance est incroyable », déclare Liza McWilliams, directrice du marketing au 1 Hotel Toronto, qui a transformé son salon Flora en salon Folklore pour l’occasion. L’hôtel a décoré le hall avec un piano recouvert de mousse et des tapisseries affichant les paroles de l’album Folklore. Des performances acoustiques y sont organisées quotidiennement, ouvertes aux clients et au public. Une boutique éphémère du Little Words Project, célèbre pour ses bracelets d’amitié, a aussi pris place dans le hall. « C’est amusant d’être créatif et d’imaginer des expériences mémorables pour nos clients », dit McWilliams. « Mis à part le Festival international du film de Toronto, nous n’avons jamais été aussi impliqués dans un événement de ce genre. »

« C’est comme se préparer pour le Super Bowl de Toronto », ajoute Aaron Harrison, directeur général du Bisha Hotel, situé à quelques pas du Rogers Centre. Le Bisha a redécoré son hall sur le thème de l’ère Reputation et chaque étage de l’hôtel reflète une autre époque de la carrière de Swift. Une suite spéciale, rebaptisée The Taylor, coûte environ 4 000 $ la nuit. L’hôtel propose également des bracelets d’amitié, un stand de paillettes, des menus thématiques et un espace nommé "Lover Lounge". « Nous voulions que le Bisha devienne le quartier général ultime pour les fans », conclut Harrison.

Dans le centre-ville de Toronto, il est presque plus difficile de trouver un bar ou un restaurant qui n’ait pas succombé à la Taylor-mania qu’un établissement qui l’ait fait. (Bonjour les problèmes d’approvisionnement en champagne !) La veille du coup d’envoi des concerts, le 13 novembre, la célèbre Tour du CN s’est illuminée aux couleurs de l’arc-en-ciel en l’honneur de Taylor Swift, tandis que barmans et serveurs discutaient de l’afflux impressionnant de visiteurs en ville. Plusieurs rues ont été fermées, et la ville a mis en place des sites web dédiés pour guider touristes et résidents dans le quartier. De son côté, Rogers a investi 8 millions de dollars pour améliorer la connectivité 5G du Rogers Centre avant les représentations.

Parmi la demi-douzaine de personnes interrogées par Billboard pour cet article, presque toutes ont comparé les préparatifs de l’Eras Tour à ceux du TIFF, l’un des festivals de cinéma les plus prestigieux au monde, qui a lieu chaque septembre à Toronto. Pourtant, toutes s’accordent à dire que l’engouement autour de l’Eras Tour surpasse largement celui du TIFF. Certains acteurs de l’industrie de l’hôtellerie et des résidents voient même cet événement comme une répétition générale pour la Coupe du Monde de la FIFA, qui accueillera six matchs à Toronto à l’été 2026. C’est aussi l’occasion de montrer que la ville peut rivaliser avec les grandes métropoles internationales pour l’accueil d’événements majeurs et attirer des visiteurs du monde entier.

Cependant, il y a un point sur lequel tout le monde est d’accord : personne n’est vraiment impatient de gérer la circulation. « Ce sera un enfer sur terre en termes de circulation et d’affluence », plaisante à nouveau Khabouth. (Il prévoit d’ailleurs de se déplacer en scooter électrique dans le centre-ville, « avec le sourire », les jours de concert, pour éviter de conduire.) « Mais c’est un beau moment pour tous les torontois. Il y a une énergie et une ambiance incroyables. C’est un concert très positif ; vous verrez beaucoup de visages souriants et des gens enthousiastes. C’est une excellente occasion pour Toronto de briller et de montrer que nous sommes capables de rivaliser avec les plus grandes villes du monde. »

Cet article est également publié sur Billboard US.