L'Association canadienne de la musique sur scène dévoile la première étude sur l'impact économique de la musique live au Canada
Le rapport Hear and Now de la CLMA révèle que l’industrie de la musique en direct génère un impact de 10,92 milliards de dollars sur le PIB canadien, tout en faisant face à des défis de taille.
Ce nouveau rapport de l’Association canadienne de musique live (CLMA) met en lumière l’impact économique majeur de la musique en direct au Canada, qui a généré 10,92 milliards de dollars de PIB en 2023.
IntituléeHear and Now: Understanding the Economic Power and Potential of Canada's Live Music Industry, cette première évaluation de l’industrie identifie son poids économique tout en soulignant les défis auxquels elle fait face.
Réalisée par la firme de recherche Nordicity pour la CLMA, l’étude met en évidence que ces chiffres impressionnants ont été atteints sans cadre budgétaire dédié pour soutenir la musique live. « 10,92 milliards de dollars d'impact combiné des dépenses liées à la musique live et au tourisme… sans effort », souligne-t-elle.
Selon le rapport, la musique en direct a aussi généré 3,73 milliards de dollars en impôts et soutenu plus de 101 640 emplois, avec 5,84 milliards de dollars en revenus du travail.
Erin Benjamin, présidente et directrice générale de la CLMA, insiste sur l’importance de protéger les salles de spectacle :
« Une augmentation de l'activité musicale en direct, à tous les niveaux, signifie plus de dépenses, plus de recettes fiscales et plus de revenus du travail », a-t-elle déclaré à Billboard Canada lors du lancement de l’étude à l’Allied Music Centre à Toronto le 30 janvier. « La musique live est un moteur économique. »
Les auteurs du rapport comparent ces chiffres à ceux d’autres industries largement discutées au Canada, comme la pêche (32 500 emplois et 2,6 milliards de dollars de PIB) ou l’automobile (125 000 emplois directs et 14 milliards de dollars de PIB).
L’étude met également en avant les forces du secteur, notamment son adaptabilité — démontrée pendant la pandémie —, un fort sentiment de communauté et un écosystème dynamique favorisant le développement professionnel.
Au-delà de l’industrie, la musique live contribue aussi au développement urbain et à la qualité de vie. Le rapport cite Hamilton et Montréal comme exemples de villes où la musique joue un rôle essentiel dans la culture locale.
La diversité est un autre facteur clé de la vitalité du secteur. Plus de la moitié des propriétaires et dirigeants interrogés s’identifient comme des femmes, et environ un tiers comme membres de la communauté 2SLGBTQ+.
Cependant, les membres IBPOC (Autochtones, Noirs, personnes de couleur) sont souvent sous-représentés en tant qu’entrepreneurs ou propriétaires d’entreprises, bien qu’ils soient fortement présents parmi les artistes. L’étude souligne également qu’ils sont plus susceptibles d’avoir un emploi en dehors de l’industrie musicale.
Ces constats rejoignent ceux d’un récent rapport d’ADVANCE, qui identifiait le manque de financement et de mentorat comme un obstacle majeur pour les professionnels noirs du milieu musical.
Pénurie de salles de concert et défis financiers
Bien que l’industrie canadienne de la musique live représente une part importante de l’économie, elle fait face à de sérieux défis.
Le rapport Hear and Now souligne que les événements mondiaux de musique live en 2024 n’ont pas répondu aux attentes, y compris dans des festivals emblématiques comme Coachella.
« L’annulation des tournées et des festivals, en raison de la baisse des ventes de billets, de l’augmentation des coûts et des impacts environnementaux, a contribué au déclin de l’industrie », expliquent les auteurs. « Les tarifs élevés des artistes de renom épuisent les budgets des fans, laissant moins de place aux artistes de milieu de gamme. » Le public devient de plus en plus sélectif, achetant des billets pour une seule journée de festival plutôt que des passes complètes et privilégiant les têtes d’affiche.
Au Canada, de nombreuses salles de spectacle ferment. À Toronto, environ 15 % des salles ont définitivement fermé entre 2020 et 2021. Cette situation a particulièrement touché les artistes émergents, qui ont besoin de petites et moyennes salles pour se produire au début de leur carrière. « La pénurie de salles de petite et moyenne taille restreint l’accès à la musique live locale », précise le rapport.
Erin Benjamin, présidente de la CLMA, a confié à Billboard Canada qu’elle souhaiterait un soutien politique accru pour assurer la durabilité des petites salles. « Les premières étapes de la scène sont les plus vulnérables. Il est crucial de préserver nos espaces de découverte et d’incubation », a-t-elle souligné. Elle mentionne également le programme pilote de la CLMA en collaboration avec FACTOR Canada, le Programme des promoteurs, destiné à soutenir les entreprises organisant des événements de musique live au Canada, et espère qu’il deviendra permanent.
Les musiciens et les autres membres de l’industrie sont également confrontés à des conditions économiques de plus en plus difficiles. Le rapport révèle qu’en 2023, le salaire moyen d’un employé à temps plein dans la musique live était d’environ 31 000 $, bien en deçà du seuil de pauvreté. Plus de la moitié des répondants à l’enquête de la CLMA citent les salaires comme le principal défi.
Bien que plus de la moitié des entreprises de musique s’attendent à voir leurs revenus augmenter d’ici la fin de 2024, cette croissance ne se traduit pas par une augmentation des embauches ou des opérations. Les revenus supplémentaires seront probablement absorbés par les coûts élevés de fonctionnement.
Les artistes, eux, ne perçoivent qu’une fraction des revenus générés par la musique live. Seul 1 % des revenus va aux talents, tandis que les salles de spectacle et les festivals captent 71 %. Alors que le coût de la vie grimpe dans des villes comme Toronto et Vancouver, de nombreux professionnels doivent choisir s’ils souhaitent continuer dans l’industrie, tandis que les artistes émergents peinent à faire leurs premiers pas.
Le rapport aborde aussi les enjeux liés à la durabilité environnementale, aux changements numériques et à l’essor de l’intelligence artificielle. Hear and Now formule neuf recommandations, allant de l’amélioration des salaires et des conditions de travail au soutien de modèles commerciaux innovants et de stratégies de promotion, tout en luttant contre les obstacles systémiques auxquels se heurtent les communautés marginalisées.
Le principal appel à l’action reste cependant la protection des salles de spectacle, qui sont « la bouée de sauvetage de l’industrie ».
« Garantir que nos salles puissent prendre des risques avec des artistes émergents et présenter des découvertes finit toujours par porter ses fruits », conclut Benjamin.
Des statistiques plus significatives
- Le Canada abrite plus de 3 750 salles de spectacles, festivals et événements de musique, promoteurs, salles de répétition, gestionnaires et agents, sociétés de production de musique live, sociétés de location d'équipement, organismes de soutien, festivals culturels, vitrines et cérémonies de remise de prix.
- Le Canada compte environ 50 spectacles par jour à travers le pays
- Les salles de concert au Canada ont une capacité maximale moyenne estimée à 238 personnes pour les spectacles assis et à 252 pour les spectacles debout.
- Les spectacles de musique live affichent un taux de remplissage moyen d'environ 64 %.
- Compte tenu des capacités des salles citées ci-dessus, un spectacle de musique live assis moyen au Canada attire environ 152 participants, et un spectacle debout moyen environ 160 participants
- Près de la moitié (47 %) des festivals, événements et cérémonies de remise de prix ont accueilli moins de 10 000 personnes en 2023, et plus d'un tiers (35 %) en ont accueilli entre 10 000 et 50 000.
- Les activités de musique en direct ont contribué à hauteur d'environ 3,3 % au PIB de la culture et du sport au Canada
- Les dépenses liées au tourisme musical ont un impact total estimé sur le PIB de 8,92 milliards de dollars
- 54 % des entreprises, organisations et artistes ont eu recours à des subventions publiques pour financer au moins une partie de leurs revenus en 2023